L'EFFET MATILDA

Dans le domaine scientifique, la question de « à qui doit revenir le mérite de telle ou telle trouvaille » revient régulièrement, mais reste essentielle. Un scientifique qui se fait créditer comme auteur d’une découverte importante, peut voir sa notoriété exploser et son statut changer pour le mieux. Mais à l’inverse, un chercheur seulement mentionné à la page des remerciements, et ce en dépit du travail qu’il a fourni, tombera dans l’oubli. La progression de sa carrière en sera alors grandement freinée.

Un phénomène d’inégalités

Cette rapide explication nous permet d’introduire l’effet Matilda, qui est la minimisation de la contribution des femmes scientifiques au profit de leurs collègues masculins.

Effet Matilda
L’effet Matilda selon Wikipédia.

Ce phénomène est décrit de manière aboutie et détaillée dans les années 80, par la scientifique et féministe Margaret Rossiter, qui se base elle- même sur les travaux de plusieurs chercheurs.

Margaret Rossiter
Margaret W. Rossiter

Elle reprend d’abord les études du sociologue Robert King Merton. Ce dernier comprend que certains scientifiques jouissent d’une renommée au détriment de leurs proches, qui ont pourtant participé au projet et donc à la création de cette même renommée. Dans les années 60, il établit alors « l’effet Mathieu », théorie sur la répartition inéquitable de la gloire.

Rossiter se rend compte que le phénomène évoqué par Merton est d’autant plus amplifié lorsque les proches en question sont des femmes. Elle nomme alors cette trouvaille « effet Matilda », en hommage à la féministe et abolitionniste Matlida Joslyn Gage. Dans son essai « Woman as an Inventor », publié pour la première fois en 1870, cette dernière avait déjà remarqué à son époque que la pensée intellectuelle des femmes était trop souvent accaparée par des hommes.

Matilda Gage
Matilda Joslyn Gage

Des cas inquiétants

Il faut savoir que l’effet Matilda est un phénomène très présent dans le domaine scientifique, et ce peu importe la facette. Côté informatique par exemple, une statistique effrayante nous apprend qu’en 1970, 59% des femmes sont programmeuses dans des projets mais seulement 7% sont reconnues comme des auteures.

Plusieurs exemples viennent appuyer cette statistique.

Prenons le cas de Jennifer Smith. Lors d’un projet, cette chercheuse fût simplement mentionnée dans les remerciements car elle avait “codé et exécuté de manière compétente les calculs”. Une pareille chose ne serait possible aujourd’hui, car tout le monde sait que le code est un travail majeur dans l’écriture d’une étude.

Un autre exemple assez surprenant vient encore une fois confirmer la théorie de Rossiter. La scientifique Margaret Wu a elle aussi été victime de ce phénomène.

En effet, elle a grandement aidé à concevoir un outil de statistiques encore énormément utilisé aujourd’hui par les scientifiques. La chercheuse australienne se fait alors remercier dans un article de 1975 pour « l’aide au travail numérique ». L’outil qu’elle avait créé fût nommé : « Estimateur de Watterson », d’après le seul et unique auteur de l’article de 1975 : Watterson lui-même.

Margaret Wu
Margaret Wu

On comprend donc assez vite en voyant cela que le travail de la femme scientifique a été minimisé au profit de l’homme scientifique.

Un problème plus complexe
qu’il n’y paraît

Si l’effet Matilda est aussi présent dans les domaines scientifiques, c’est en partie pour une raison très simple : Il n’existe pas de normes claires dictant qui est auteur et qui ne l’est pas. C’est très problématique, car un intervenant mineur qui envoie quelques notes par mail peut être nommé auteur, et à l’inverse, un chercheur qui réalise un travail fastidieux peut ne pas être crédité. Une première chose à faire pour remédier à ce phénomène serait donc de déterminer des règles claires quant à la définition des auteurs.

Heureusement, des personnes se sont battues et se battent toujours pour que ces inégalités disparaissent pour de bon. Margaret Rossiter et Matilda Joslyn gage, mentionnées plus tôt, furent et font partie de ses personnes.

Si vous voulez en apprendre plus sur ces personnages emblématiques de l’histoire scientifique, je vous invite à lire l’article qui leur est dédié.

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