L'EFFET MATILDA
Dans le domaine scientifique, la question de « à qui doit revenir le mérite de telle ou telle trouvaille » revient régulièrement, mais reste essentielle. Un scientifique qui se fait créditer comme auteur d’une découverte importante, peut voir sa notoriété exploser et son statut changer pour le mieux. Mais à l’inverse, un chercheur seulement mentionné à la page des remerciements, et ce en dépit du travail qu’il a fourni, tombera dans l’oubli. La progression de sa carrière en sera alors grandement freinée.
Un phénomène d’inégalités
Cette rapide explication nous permet d’introduire l’effet Matilda, qui est la minimisation de la contribution des femmes scientifiques au profit de leurs collègues masculins.
Ce phénomène est décrit de manière aboutie et détaillée dans les années 80, par la scientifique et féministe Margaret Rossiter, qui se base elle- même sur les travaux de plusieurs chercheurs.
Elle reprend d’abord les études du sociologue
Robert King Merton.
Ce dernier comprend que certains scientifiques
jouissent d’une renommée au détriment de
leurs proches, qui ont pourtant participé au
projet et donc à la création de cette même
renommée.
Dans les années 60, il établit alors « l’effet
Mathieu », théorie sur la répartition inéquitable
de la gloire.
Rossiter se rend compte que le phénomène
évoqué par Merton est d’autant plus amplifié
lorsque les proches en question sont des
femmes.
Elle nomme alors cette trouvaille
« effet Matilda », en hommage à la féministe et
abolitionniste Matlida Joslyn Gage.
Dans son essai « Woman as an Inventor », publié
pour la première fois en 1870, cette dernière
avait déjà remarqué à son époque que la pensée
intellectuelle des femmes était trop souvent
accaparée par des hommes.
Des cas inquiétants
Il faut savoir que l’effet Matilda est un
phénomène très présent dans le domaine
scientifique, et ce peu importe la facette.
Côté informatique par exemple, une statistique
effrayante nous apprend qu’en 1970, 59% des
femmes sont programmeuses dans des projets
mais seulement 7% sont reconnues comme des
auteures.
Plusieurs exemples viennent appuyer cette statistique.
Prenons le cas de Jennifer Smith. Lors d’un
projet, cette chercheuse fût simplement
mentionnée dans les remerciements car elle
avait “codé et exécuté de manière compétente
les calculs”. Une pareille chose ne serait possible
aujourd’hui, car tout le monde sait que le code
est un travail majeur dans l’écriture d’une étude.
Un autre exemple assez surprenant vient
encore une fois confirmer la théorie de Rossiter.
La scientifique Margaret Wu a elle aussi été
victime de ce phénomène.
En effet, elle a grandement aidé à concevoir un
outil de statistiques encore énormément utilisé
aujourd’hui par les scientifiques. La chercheuse
australienne se fait alors remercier dans un
article de 1975 pour « l’aide au travail
numérique ». L’outil qu’elle avait créé fût nommé :
« Estimateur de Watterson », d’après le seul et
unique auteur de l’article de 1975 : Watterson
lui-même.
On comprend donc assez vite en voyant cela que le travail de la femme scientifique a été minimisé au profit de l’homme scientifique.
Un problème plus complexe
qu’il n’y paraît
Si l’effet Matilda est aussi présent dans les
domaines scientifiques, c’est en partie pour une
raison très simple : Il n’existe pas de normes
claires dictant qui est auteur et qui ne l’est pas.
C’est très problématique, car un intervenant
mineur qui envoie quelques notes par mail peut
être nommé auteur, et à l’inverse, un chercheur
qui réalise un travail fastidieux peut ne pas être
crédité. Une première chose à faire pour
remédier à ce phénomène serait donc de
déterminer des règles claires quant à la
définition des auteurs.
Heureusement, des personnes se sont battues
et se battent toujours pour que ces inégalités
disparaissent pour de bon.
Margaret Rossiter et Matilda Joslyn gage,
mentionnées plus tôt, furent et font partie de ses
personnes.
Si vous voulez en apprendre plus sur ces personnages emblématiques de l’histoire scientifique, je vous invite à lire l’article qui leur est dédié.